Les pénuries de médicaments en pharmacie sont aujourd’hui un problème récurrent et croissant. Ce phénomène touche de nombreux pays à travers le monde. En France, les pénuries ont ainsi augmenté de manière significative ces dernières années, affectant des milliers de patients et de praticiens. Au point que les autorités n’ont eu d’autre choix que de s’organiser face à ces pénuries récurrentes.
Pénuries de médicaments : une situation critique
Amoxicilline, paracétamol, ozempic, médicaments pour le cœur, traitements anti-cancer ou contre la mucoviscidose… En 2017, 530 ruptures de stock avaient été signalées. En 2023, ce sont près de 5 000 ruptures de stock qui ont été signalées.
Un état des lieux alarmant
Les pénuries de médicaments ne sont pas un phénomène nouveau. Mais dans notre monde post-Covid, le phénomène tend à s’aggraver. En effet, la crise sanitaire a certes durement frappé le secteur médical, mais aussi les chaînes d’approvisionnement. Certains médicaments ont vu leur demande nettement s’accroître, exacerbant la situation.
Les médicaments les plus touchés sont, par exemple :
-
- Les antibiotiques (par exemple l’amoxicilline ou Augmentin ©️)
- Les analgésiques (comme le paracétamol ou Doliprane ©️)
- Des traitements contre des maladies chroniques (par exemple le salbutamol, plus connu sous le nom de Ventoline ©️)
En-dehors de ces cas emblématiques, il est assez courant d’avoir des présentations (soit la manière dont un médicament est présenté et conditionné) en rupture. Ce qui oblige les professionnels à proposer aux patients des boîtes venant de laboratoires différents ou bien d’une forme pharmaceutique (comprimé standard, comprimé orodispersible…) différente quand ce n’est pas tout simplement une autre molécule qui est proposée.
Des causes multiples
Une production mondialisée et fragile
La mondialisation de la production pharmaceutique est l’une des principales causes des pénuries de médicaments en pharmacie. En effet, un nombre limité de pays, principalement situés en Asie, fabrique de nombreux principes actifs. Or cette concentration géographique rend la chaîne d’approvisionnement vulnérable aux perturbations locales. Par exemple, en cas de catastrophes naturelles ou bien de conflits géopolitiques. De même, cela aggrave les problèmes liés à la qualité en l’absence d’alternative.
Des difficultés d’approvisionnement en matières premières
Les pénuries de médicaments essentiels résultent souvent de ruptures dans l’approvisionnement en matières premières pharmaceutiques. Ces difficultés peuvent être les conséquences, par exemple, de :
- Problèmes de qualité chez les fournisseurs
- Retards de livraison
- Production en flux tendus
- Augmentation soudaine de la demande mondiale
Une rentabilité insuffisante pour certains médicaments
Certains médicaments, notamment les plus anciens et les moins chers, ne sont plus suffisamment rentables pour les laboratoires pharmaceutiques. Ceux-ci réduisent alors, voire arrêtent leur production, entraînant des pénuries de médicaments génériques pourtant essentiels. Loin d’être anecdotique, cette situation est pourtant assez commune et se répète inlassablement.
Les conséquences des pénuries de médicaments
Les pénuries de médicaments comportent bien évidemment des conséquences importantes. D’une part pour les patients, concernés en premier lieu, mais aussi pour les professionnels de santé et la souveraineté nationale.
Risques pour les patients atteints de maladies chroniques
Les pénuries de médicaments pour maladies chroniques peuvent avoir des conséquences graves pour les patients. L’interruption de traitements essentiels peut entraîner par exemple :
- Une aggravation de l’état de santé
- Des hospitalisations évitables
- Dans les cas les plus graves, une augmentation de la mortalité
En effet, on imagine sans peine les conséquences dramatiques d’un manque de Ventoline ©️ pour un patient asthmatique. Il est regrettable que toute pathologie nécessitant des médicaments en rupture place les patients, déjà en difficulté, dans l’incertitude de voir leur traitement délivré. C’est notamment le cas de certains antidépresseurs ou anxiolytiques alors même que les patients ayant recours à ces médicaments sont particulièrement sensibles à l’incertitude.
Surcharge de travail pour les professionnels de santé
Face aux pénuries de médicaments en pharmacie, les professionnels de santé doivent consacrer un temps considérable à :
- Rechercher des alternatives thérapeutiques
- Gérer les stocks de médicaments disponibles
- Informer et rassurer les patients
Cette surcharge de travail peut, par conséquent, affecter la qualité des soins. D’autre part, elle génère du stress pour le personnel médical, déjà fragilisé par la crise de la Covid-19.
Mesures gouvernementales et initiatives du secteur
Face à cette situation, les pouvoirs publics réagissent avec une certaine timidité. Une feuille de route pour 2024-2027 prévoit des mesures de détection précoce, d’amélioration de l’accès aux médicaments et de transparence de la chaîne d’approvisionnement. Malheureusement, on ne peut que regretter qu’il n’y ait aucune mesure permettant, à proprement parler, d’éviter les pénuries.
Stratégie de lutte contre les pénuries
Des initiatives sont en cours pour rapatrier la fabrication de certains médicaments essentiels en Europe. Néanmoins, le cas récent du rachat de la branche Opella du groupe Sanofi (producteur notamment du Doliprane) a permis de souligner une certaine apathie des pouvoirs publics. En effet, un fonds d’investissement américain a réussi à rafler 50% des parts, officialisant le passage d’Opella sous pavillon américain.
Les autorités encouragent les laboratoires à multiplier leurs fournisseurs pour réduire les risques de rupture. Toutefois, cela ne s’assortit d’aucune obligation en la matière. Cela risque donc de rester à l’état de vœux pieux.
De même, les pays de l’Union Européenne souhaitent renforcer leur coopération pour mieux gérer les pénuries à l’échelle continentale. Reste à voir comment cela se traduira concrètement dans les années à venir.
Enfin, les pouvoirs publics souhaitent constituer des stocks de sécurité pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). Le Code de la Santé publique définit les MITM comme suit :
On entend par médicaments ou classes de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur les médicaments ou classes de médicaments pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme, ou représente une perte de chance importante pour les patients au regard de la gravité ou du potentiel évolutif de la maladie.
Article L.5111-4, Code de la Santé publique
Une plateforme d’information en temps réel sur la disponibilité des médicaments
L’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) a créé une page sur son site internet dédiée à cette question. Cela afin d’informer en temps réel sur les tensions d’approvisionnement des médicaments. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une solution directe au problème des pénuries, cette initiative bienvenue permet aux professionnels de santé comme aux patients d’accéder à une source d’information officielle sur ce sujet.